Impôt sur le revenu : une évolution en trompe l’œil depuis 2012

Les classes moyennes sont les grandes perdantes de ce quinquennat, aussi bien du point de vue fiscal que social (réduction des allocations familiales, diminution du montant unitaire de la PAJE).

En effet, conscient d’avoir fortement augmenté le produit de l’IR entre 2012 et 2016 (+12,9 milliards d’euros), le gouvernement propose pour la 4e fois consécutive, une mesure ponctuelle de réduction d’impôt. Après avoir rendu un nombre considérable de contribuables non imposables et cherché à limiter les effets de sa politique fiscale sur les bas revenus, celui-ci prétend désormais avec un certain aplomb soulager les classes moyennes.

Le Gouvernement a fait le choix, une nouvelle fois, en 2017, d’opérer une réduction forfaitaire d’impôt sur le revenu (IR) pour une grille de revenus donnée.

Concrètement, cette mesure prendra la forme d’une réduction d’impôt de 20 % sous condition de revenu. Elle bénéficiera aux personnes seules, célibataires, veufs, divorcées, dont le revenu mensuel est inférieur à 1 700 euros net, avec un lissage jusqu’à 1 900 euros net pour éviter les effets de seuil et aux couples gagnant jusqu’à 3 400 euros, ce plafond étant majoré de 300 euros par enfant. Son coût est évalué par le gouvernement à 1 milliard d’euros, sans que son financement ne soit détaillé.

Cette mesure fait suite à diverses autres mesures ponctuelles qui ont contribué à réduire le nombre de contribuables effectivement imposables : une réduction d’impôt forfaitaire en 2014, une réforme du bas de barème en 2015 ainsi qu’une nouvelle réforme de la décote en 2016. L’ensemble de ces mesures ont touché le bas de barème de l’IR. A titre d’illustration, les célibataires ayant des revenus supérieurs à 1 850 euros net par mois n’ont eu droit à rien. De même pour un couple avec deux enfants dont les revenus dépassent 4 200 euros mensuels nets.

  1. Premièrement, cette nouvelle mesure ponctuelle est loin de compenser la forte augmentation du produit de l’IR depuis 2012 qui, après s’être stabilisé aux alentours de 50 milliards d’euros tout au long des années 2000 et 2010, se situe désormais autour de 70 milliards d’euros. Ainsi, sur les 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires constatées entre 2012 et 2015, 8,7 milliards d’euros proviennent des hausses d’impôt adoptées entre l’été 2012 et fin 2014.
  2. Deuxièmement, en opérant une réduction ponctuelle d’IR pour les bas revenus, le Gouvernement contribue à en accroître la concentration.

En effet, contrairement au produit de la CSG, qui a continûment augmenté sous l’effet de l’élargissement de son assiette et de la hausse de ses taux, l’IR a un rendement faible et est aujourd’hui fortement concentré sur les hauts revenus : moins d’un ménage sur deux acquitte cet impôt, les 10% des ménages les plus aisés en payent les 2/3 et les 1% les plus aisés près d’1/3.

3. Troisièmement, cette réduction bénéficiera aux ménages qui n’ont pas ou peu subi les hausses massives intervenues depuis 2012 (+8,7 milliards d’euros).

En effet, si, depuis 2012, les hausses d’impôts ont principalement affecté les ménages aux revenus moyens et supérieurs (nouvelle tranche à 45 %, pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part de quotient familial, soumission au barème progressif de l’IR des revenus du capital), celles-ci ont également touché les classes moyennes 

a- la fiscalisation des heures supplémentaires : + 1,6 milliards d’euros répartis entre 9 millions de salariés. 230 000 foyers fiscaux auraient été rendus imposables en 2013 en raison de cette mesure, dont 80 % situés entre le quatrième et le sixième décile de niveau de vie (entre 15 et 25 000 euros de revenus annuels pour un célibataire) ;

b- les deux baisses successives du plafonnement du quotient familial (+ 550 millions d’euros pour la première baisse, répartis entre 1 million de foyers fiscaux ; + 1,1 milliard d’euros pour la seconde, touchant plus de 1,38 million de foyers fiscaux appartenant principalement aux trois derniers déciles de niveau de vie, c’est-à-dire aux ménages dont les revenus mensuels sont supérieurs à environ 2 300 euros).

 c- l’assujettissement à l’IR de la participation de l’employeur aux contrats de complémentaire santé (+ 1 milliard d’euros). Sur les quelques 13,2 millions de salariés du secteur privé, 7,9 millions ont enregistré une perte – en moyenne de 118 euros – du fait de cette mesure en 2014. Environ 210 000 foyers fiscaux situés dans les quatrième et cinquième déciles seraient devenus imposables du fait de cette mesure ;

d-la fiscalisation des majorations de pensions pour les retraités ayant eu ou élevé au moins trois enfants (+ 1,2 milliard d’euros en 2014 répartis entre 4 millions de retraités, pour une perte moyenne de 368 euros sur un an) ;

e-enfin, les seuils du barème de l’IR, « gelés » au titre de l’imposition 2012 et 2013, n’ont été à nouveau réindexés en fonction de l’inflation qu’à partir de 2014. La revalorisation de 0,8 % des seuils du barème décidée par la loi de finances pour 2014 n’a toutefois pas compensé les conséquences de la non indexation du barème pour les revenus perçus en 2011 et 2012.

Tiré d’une note de Gilles Carrez Président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale

semaine du 10 octobre 2016

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