Tribune cosignée par Marie-Louise Fort ainsi que 108 députés du groupe Les Républicains

Vainqueur, François Fillon sera probablement le seul candidat à l’élection présidentielle à pouvoir s’appuyer sur une majorité solide pour la mise en œuvre de son programme. C’est un atout majeur. Mais il faut aller plus loin : bien que disposant d’une large majorité, le pouvoir socialiste s’est en effet discrédité par son comportement, en particulier ses querelles intestines qui ont continuellement déchiré l’exécutif et sa majorité.

Cette pratique désastreuse a produit un violent rejet du politique et un affaiblissement des institutions, exécutif et législatif réunis, qui ne disparaîtront pas magiquement au lendemain de l’élection.

Pris par le quotidien, sous pression de leurs administrations et de l’information en continu, les ministres en sont réduits à délivrer soit un message lénifiant sur l’Etat et le service public, soit une réaction dénuée de toute analyse réaliste de la situation. Des lois bavardes et confuses trahissent au grand jour une impuissance politique que le Parlement vient aggraver comme nous l’avons vu avec la déchéance de nationalité et les lois Macron ou El Khomri. Qui peut encore croire qu’un projet de loi de 300 articles, fut-il écrit par un ancien banquier, crée des emplois ? Au mieux, il renforce une bureaucratie économique en mal de légitimité et sature les tribunaux devenus les réceptacles d’un juridisme abusif.

Pour réussir, il nous faudra donc rapidement faire sentir à tous nos compatriotes un profond changement dans les comportements politiques et les pratiques institutionnelles. Cela ne s’improvisera pas au lendemain des élections. N’en déplaise aux Rastignac de la présidentielle qui revendiquent pouvoir changer le monde de par leur seule volonté. Il faut le préparer dès maintenant, à la lecture des expériences passées.

Le volontarisme politique qui sied à François Fillon vise à « reprendre la main » sur les réalités. Cette reprise en main exige un Parlement pleinement investi dans sa mission de représentation de la Nation. Au Parlement de révéler la réalité du pays ; au Gouvernement de mener les réformes utiles sur cette base. Ceci suppose un rééquilibrage entre la mission législative du Parlement et celle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques qui lui est également dévolue par la constitution.

Représenter les Français, ce n’est pas ajouter du bavardage à des lois déjà trop bavardes. Depuis vingt ans, impuissance politique et inflation législative vont de pair. Nous pensons, au contraire, qu’un gouvernement qui légifère moins et mieux gagne en crédibilité et autorité. Surtout, la sobriété législative permettra de dégager du temps pour permettre au Parlement de remplir un rôle nouveau et très utile.

Car représenter les Français, c’est aussi alerter sur ce qui ne va pas. Certes, les armoires regorgent de rapports, études et autres sondages censés souligner les dysfonctionnements de notre pays. Mais plus personne ne s’étonne de l’inaction politique qui s’en suit. Le contrôle technique et financier de la Cour des comptes ne suffit pas.

Sur le plan politique, nous ne pouvons laisser indéfiniment ce rôle aux mouvements protestataires, alors qu’il incombe d’abord à la représentation nationale. En exerçant pleinement sa mission de contrôle, le nouveau Parlement doit s’organiser pour mettre sous tension les administrations, en signalant les dysfonctionnements et en veillant à la mise en œuvre effective des réformes. Tant dans les capacités à agir de chaque député que dans l’organisation du travail en commission ou dans les procédures de débat en séance, les réformes à mener modifieront les pratiques pour renforcer l’institution.

Sans ce travail préalable de diagnostic, il est impossible d’élaborer une stratégie cohérente dans quelque domaine que ce soit. Et c’est bien ce que nous constatons amèrement, depuis des années, avec ces lois sécuritaires qui reviennent tous les trois mois sans vision d’ensemble, cette école que chaque ministre prétend refonder, cette politique énergétique qui met le nucléaire en péril sans progresser dans le renouvelable, cette incapacité à résoudre le problème épineux de la désertification médicale ou encore cet Islam de France dont on parle beaucoup sans en avoir jamais posé les tenants et aboutissants… Les questions rebattues mais toujours mal posées sont le symptôme de notre immobilisme agité qui exaspère les Français.

En faisant apparaitre les enjeux et en pointant les difficultés, le temps de « défrichage parlementaire » éclaire et protège l’exécutif qui peut ensuite reprendre l’initiative lorsque l’on sait enfin précisément où l’on veut aller. Le gouvernement est alors en mesure de faire la pédagogie nécessaire et de légiférer vite et bien.

C’est à ce changement de pratiques parlementaires que nous nous attelons depuis plusieurs mois, dans le strict respect de l’esprit de la 5e République. Loin des grands soirs constitutionnels qui aboutiraient à un retour aux errements des régimes passés (la 6e république ressemble en effet beaucoup à la défunte 4e), leurs propositions s’articulent autour de trois axes complémentaires : mieux légiférer, renforcer l’évaluation et le contrôle et redonner du sens à la mission de représentation de la Nation.

Alors que l’exécutif a aujourd’hui perdu la crédibilité et la dignité nécessaires à son autorité, ce changement de pratique doit rétablir la confiance dans la durée. Ni godillots ni frondeurs, tous réunis derrière François Fillon, nous sommes 108 députés du groupe Les Républicains à proposer une méthode pour que législatif et exécutif retrouvent ensemble la force de gouverner et répondent ainsi au désarroi des Français.

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