Lutte contre le système prostitutionnel, 6 avril 2016

MLF assemblée avril 2016

Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort.

Mme Marie-Louise Fort. Nous examinons, pour la dernière fois dans cette enceinte, la proposition de loi du groupe socialiste, républicain et citoyen tendant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. À l’issue de longs et riches débats, notre assemblée et le Sénat ne sont pas parvenus à élaborer un texte commun. Un long travail va donc s’achever aujourd’hui et notre assemblée doit, dans la phase ultime du « dernier mot » prévue par la Constitution, se prononcer sur ce texte.

Tout a été dit ou presque et certains de mes propos présenteront une teneur connue. Car cette ultime lecture n’apportera pas non plus, hélas, les solutions escomptées aux problèmes soulevés tout au long de l’examen de cette proposition. Je me permettrai d’ajouter : « Tout ça pour ça ! »

Vous connaissez ma réticence à supprimer le délit de racolage passif, qui va se traduire par une perte notable d’informations sur les réseaux de proxénètes.

Vous connaissez ma position personnelle quant à l’instauration d’une pénalisation du client, d’une application incertaine.

D’ailleurs, bien que nous ayons progressé sur plusieurs points au fil des lectures, les deux chambres restent inconciliables sur la pénalisation du client, ainsi que sur la peine complémentaire de stage de sensibilisation, chère à mon collègue Philippe Goujon.

À titre personnel, je reste farouchement opposée au principe de substitution de la pénalisation des prostituées par celle du client. Je crains, et je partage là l’avis exprimé par plusieurs associations féministes et par Élisabeth Badinter entre autres, que cette législation ait pour résultat et corollaire la recherche de clandestinité des personnes prostituées – et partant, le développement accru des réseaux mafieux.

Enfin, je continue à regretter que plusieurs sujets n’entrent pas dans le champ du texte initial : je pense au renforcement de l’arsenal de lutte contre les proxénètes et plus encore à des mesures innovantes de prévention de la prostitution volontaire.

J’ose dire que le pragmatisme et le réalisme n’ont pas toujours été au rendez-vous des intentions dans nos débats.

Vous l’aurez compris, les positions des députés du groupe Les Républicains n’ont pas changé depuis le dernier examen de ce texte. D’aucuns restent résolument favorables à son adoption, d’autres sont par exemple opposés à l’octroi d’une autorisation de séjour assortie d’une allocation spécifique pour les personnes qui s’engagent simplement dans un parcours de sortie de la prostitution. D’autres encore restent, comme moi, défavorables à la pénalisation des clients, pensant que la constatation de la nouvelle infraction par les forces de l’ordre, comme l’éventuelle poursuite, seront matériellement difficiles, voire impossibles.

Enfin, certains considèrent que la peine d’amende d’ordre contraventionnelle relève du pur symbole par l’insuffisance de son niveau.

Bref, force est de constater qu’un véritable consensus n’a pu être dégagé ni entre le Sénat et l’Assemblée, ni entre la droite et la gauche, ni surtout au sein des groupes.

En somme, nous avons échoué à nous convaincre les uns les autres et ce renoncement, en lecture définitive, signe une forme d’aveu que je regrette sincèrement.

Une dernière fois, le groupe Les Républicains fera encore majoritairement le choix de l’abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

[…]

Explication de vote

Mme Marie-Louise Fort. Mon propos sera très bref car je me suis déjà expliquée lors de la discussion générale. Je n’insisterai pas, comme l’a fait M. Tourret, sur le nombre des associations et des personnalités qui ne sont pas favorables à ce texte. Je me contente de souligner qu’à l’issue de deux ans de discussions, nous ne sommes pas parvenus à dégager un consensus, ni entre le Sénat et l’Assemblée, ni entre la gauche et la droite, ni même au sein des groupes – nous venons de le constater. Il ne me reste qu’à déplorer que nous n’ayons pas réussi à nous mettre d’accord, ce qui, lors de la lecture définitive, sonne comme un aveu de défaite qui n’incitera pas notre groupe – comme d’autres – à voter de manière unanime. La majorité de notre groupe s’abstiendra mais chacun de nous sera libre de son vote.

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