« Leurs souvenirs sur les bancs de l’Assemblée », article de l’Yonne Républicaine

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Ils ont passé une à quatre décennies à l’Assemblée nationale. Marie-Louise Fort, députée sortante et Jean-Pierre Soisson racontent leurs souvenirs. Florilège des moments les plus marquants.

Le Palais Bourbon, son hémicycle, ses bancs en bois, son perchoir, son ambiance… Marie-Louise Fort, députée sortante de la troisième circonscription, y a passé dix ans. Quatre fois moins que son aîné Jean-Pierre Soisson. Elu depuis 1968 et jusqu’en 2012, le député de la première circonscription a siégé une quarantaine d’années, cédant à plusieurs reprises sa place, le temps d’occuper des fonctions de ministre.

À quelques jours du premier tour des législatives 2017, ils livrent quelques-uns de leurs souvenirs d’hémicycle. Ceux qui les ont le plus marqués.

Verbatim.

Marie-Louise Fort

Marie-Louise Fort a été élu deux fois députée de la troisième circonscription, en 2007 et 2012.

Séance nocturne.« Je me souviens des séances de nuit, notamment lors de la réforme des retraites, du temps de Fillon, où les bancs se vidaient au fur et à mesure alors que les députés allaient dormir un peu, un peu partout, y compris sur la moquette dans le salon d’à côté. C’était assez particulier. Il y a même eu une nuit où j’étais éreintée, je suis allez dans mon bureau. Je n’ai même pas pris le temps de me déshabiller, par manque d’énergie. Je me suis allongée et une demi-heure plus tard, horreur, le téléphone sonnait, il fallait repartir. On avait des horaires extraordinaires. Les séances de nuit se sont beaucoup calmées, mais j’en ai gardé des souvenirs très émus. »

marie-louise-fort-depute-de-l-yonne-la_Grosse colère :« J’ai été la première députée à poser une question à Manuel Valls, lors de ce dernier mandat 2012-2017. Et j’ai été la première à essuyer l’énorme colère qu’il a piquée contre moi, tout ça parce que je posais une question à Najat Vallaud-Belkacem qui ne voulait pas qu’on pose cette question. Ça a été le début d’une période de grandes colères de Manuel Valls, ce qui explique sans doute l’inimitié dont il bénéficie tant de son côté que des partis adverses. »

Paranoïa ou sexisme...« J’ai vu cette paranoïa des femmes. Une ministre avait dit « je ne peux pas venir en jupe. Il faut que je sois en pantalon et il ne faut pas que je sois dans un couloir désert ». Il faut qu’on revienne à des choses plus calmes. Pour avoir été élue jeune et femme, très honnêtement, je pense qu’il y a moyen de se faire respecter. La preuve en est, c’est que toutes les attaques et les procédures tombent un peu à l’eau une fois passées. Je pense qu’on est très axés sur le sexisme. On ne sait plus trop bien rire. C’est dommage, car même en politique, il faut de temps en temps avoir un peu le sens de l’humour. Et là, on ne l’a pas. »

Dur métier. » Ce que j’ai remarqué aussi, c’est la perte de grands orateurs comme Jean-Pierre Soisson, Jean-Pierre Brard (maire de Montreuil au précédent mandat), des hommes cultivés. Maintenant, – surtout au dernier mandat, où l’on a accueilli beaucoup plus de jeunes, sortis d’école et donc un peu plus technocratiques -, les interventions sont moins culturelles. Ça adoucissait un peu les échanges. Aujourd’hui, c’est très abrupt. La politique est un métier très dur. »

Devoir absolu.« La première fois, quand vous arrivez, on vous donne les documents pour vous inscrire, vous faire tirer le portrait, etc. et pour la photo, on se mettait là où on prend la parole, sur le perchoir. Quand je suis arrivée, j’ai été frappée par la petitesse de l’hémicycle. Et là je me suis dit, eh bien ma fille, tu es dedans. Et alors que le photographe attendait que je prenne la pose, je me suis mise à penser à mes parents et grands-parents. Parce que vous pensez toujours à eux quand vous réussissez. J’ai bien évidemment pensé à mon mari et mes enfants. Et puis tout d’un coup, je me suis imaginée dans la circo, 119 communes et plus de 100.000 habitants, avec tous ces gens qui, deux semaines de suite, se sont levés pour aller mettre un bulletin dans l’urne. Je n’ai pas pensé qu’à ceux qui avaient voté pour moi, mais aussi aux autres. Là, vous ressentez une certaine fierté mais aussi la sensation que vous avez un devoir absolu, une responsabilité par rapport à eux, qu’ils aient voté pour vous ou pas. »

 

Publié le 02/06/2017 à 11h00, L’Yonne Républicaine

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