La population française vieillit rapidement : en 2005, un individu sur cinq était âgé de 60 ans ou plus ; la proportion sera d’un sur trois en 2050.
Si l’on ne prend aucune mesure, ce vieillissement pourrait s’accompagner d’importants risques économiques (forte augmentation des dépenses sociales, croissance faible) et sociaux (conflits entre générations, inégalités accrues).
En revanche, la maîtrise des conséquences du vieillissement est à notre portée, et ce phénomène, comme l’ont montré de nombreux rapports, recouvre des opportunités en termes de modes de vie, d’emploi, de logement et de santé.
Quoiqu’il en soit, la question du financement de la prise en charge de la dépendance est centrale.
Or cette question n’est pas abordée dans ce texte qui est pourtant présenté comme une grande loi d’orientation et de programmation qui doit « répondre au défi de la révolution de l’âge ».
Le Projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement est discuté à l’Assemblée depuis mardi 9 septembre. C’est un long texte de 66 articles autour d’un rapport annexé. Plus que des mesures contenues dans le texte (augmentation de l’Allocation personnalisée d’autonomie, APA domicile, financement d’un volet « prévention, qui font globalement consensus), c’est sur ce qui n’y est pas que portent nos principales critiques.
En effet, la soi-disant « grande loi » vieillissement n’apporte aucune réponse au problème pourtant majeur du reste à charge supporté par les familles pour leurs proches dépendants accueillis en établissement (problématique repoussée à un hypothétique futur texte) et n’aborde pas la question du financement de la prise en charge de la dépendance alors même que la charge supportée par les départements va s’accroître.
Le passage du texte en commission n’en a pas modifié la philosophie générale. Les députés du Groupe UMP se sont abstenus.
Plus concrètement, ce projet d’orientation et de programmation est rédigé autour de 4 axes :
1) Prévention de la perte d’autonomie (185 millions d’€)
Elle doit être médicale et sociale afin de permettre à l’ensemble de la population de vieillir en meilleure santé. En effet, une certaine représentation pessimiste du vieillissement et l’émiettement des acteurs et des financements empêchent de mettre en œuvre une réelle politique de prévention.
Or la perte d’autonomie des personnes âgées ne touche qu’une minorité de personnes très âgées et elle peut être évitée, ou au moins retardée, par des actions médicales mais également sociales, en maintenant les liens avec l’entourage et le voisinage.
Le texte propose donc la mise en place de financements dédiés, la création d’une conférence départementale des financeurs, et la facilitation des échanges entre les différents acteurs : assurance maladie, caisses de retraites et CNSA.
2) Adaptation de la société au vieillissement (84 millions d’€).
L’écrasante majorité des français souhaite vieillir chez soi, en adaptant son domicile. L’adaptation du cadre de vie, de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des logements doit être un axe important de la préparation au « bien vieillir ».
Le texte revoit ici la règlementation autour des logements foyers (rebaptisés résidences autonomie) et des résidences services, et propose de prévoir la représentation des personnes âgées au sein des commissions communales d’accessibilité, et leur prise en compte dans les plans de déplacement urbain.
Il crée un droit d’aller et venir pour les personnes accueillies en établissement, interdit les dons et legs de ces personnes aux établissements ou personnes liées aux services.
Le rapport annexé prévoit la mise en œuvre d’un plan pour l’adaptation de 80 000 logements privés, financée par l’ANAH pour 40 millions d’€ ; il prévoit également d’actualiser le crédit d’impôt pour adaptation du logement.
-3) Accompagnement de la perte d’autonomie. (460 millions d’€)
Seule la problématique de l’accompagnement à domicile est prise en compte dans ce volet.
Le texte propose donc la revalorisation de l’APA à domicile (pour 375 millions d’€) et un soutien aux aidants (notamment par la création d’un droit au répit). Concernant le secteur de l’aide à domicile, dont le financement est toujours fragile, il prolonge les expérimentations en cours relatives à la tarification et retouche le cahier des charges autour des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.
Ø Le texte laisse de côté la quasi-totalité de la problématique de la prise en charge des personnes dépendantes en EHPAD qui est renvoyée à un prochain texte. Il se contente de prévoir la mise en place de tarifs socles et d’améliorer l’information des patients sur les tarifs, ce qui est certes utile mais ne répond absolument pas aux difficultés des familles qui doivent faire face à un reste à charge très important quand les tarifs dans les EHPAD se situent entre 1800 et 3000€ mensuels.
4) Gouvernance (réduit au minimum, dans l’attente de la réforme territoriale).
Un certain nombre de disposition du texte restent centrées sur le département (conférence des financeurs, etc.) qui est pourtant appelé à disparaître dans le cadre de la réforme territoriale… Beaucoup d’incertitudes donc.
Du point de vue de la gouvernance nationale, il prévoit la création d’un Haut Conseil de l’âge et renforce les compétences de la Caisse Nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à qui il confie de nouvelles missions.
De manière plus générale, le texte n’apporte qu’une réponse très partielle à la problématique du vieillissement de la population, en évitant soigneusement la question du financement global de la prise en charge de la dépendance.
La CASA (Cotisation additionnelle de solidarité pour l’autonomie) a été créée pour apporter un financement complémentaire à celui existant de la CNSA, des départements et de la Sécurité sociale. Il est proposé que son produit soit utilisé uniquement pour le financement des mesures nouvelles.
Quid donc de la charge de plus en plus lourde financée par les départements (70% des 5,4 Milliards que coûte l’APA)?
Quid du financement des besoins nouveaux qui vont aller croissant avec le vieillissement de la population ?
Quid du financement de la prise en charge des personnes dépendantes en établissements, question totalement éludée ici ?