Chacun se souvient de la formule qui a fait, en son temps, florès « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». Cet adage aurait dû revenir utilement à la mémoire du gouvernement, car il illustre avec une particulière acuité l’affaire de l’annulation par la France de la vente à la Russie des frégates Mistral.
Déjà, le 12 août dernier, le Canard Enchaîné estimait à, au moins, 2 milliards d’euros le coût de l’annulation de la vente des deux bâtiments , le Vladivostok et le Sébastopol , estimation confirmée récemment par l’hebdomadaire.
La formation de quatre cents marins russes pendant un an et demi, la « de russification » des frégates, les frais de maintenance des navires, le paiement de la marge escomptée par la DCNS ou encore les frais d’aménagement du port de Vladivostok, et la mise aux normes OTAN des bâtiments, alourdiront immanquablement la facture de près de 950 millions que nous présente avec aplomb, dans un projet de loi, le gouvernement. Le compte n’y est pas.
Bref, autant de frais indirects qu’il fera payer d’une façon ou d’une autre, mais très directement, cette fois, aux contribuables français !
Au-delà des chiffres, au-delà-même de ce coût financier qui, au passage, constitue un très mauvais coup porté à nos chantiers navals, s’ajoutent ceux liés à la parole de notre pays et partant, à sa crédibilité sur la scène internationale.
En effet, comment ne pas évoquer les coûts diplomatiques et stratégiques, en un mot politiques, que l’annulation fait peser sur la France.
Car il ne s’agit pas ici d’une transaction commerciale habituelle.
Sont en jeu, des systèmes d’armes et de grandes puissances étatiques parties au contrat. Je rappellerai que la Russie possède le troisième budget militaire du monde et qu’elle est le troisième partenaire commerciale de l’Union Européenne.
Cette affaire est donc illustrative des rapports que nourrissent la diplomatie et l’économie , intimement liées jusqu’à s’inscrire dans un rapport d’inclusion au service d’intérêts géostratégiques de première importance. Pour preuve, à la suite de cette résiliation, l’Inde a déjà renoncé à la commande de 126 Rafales…
Alors maintenant, ce constat accablant d’une diplomatie à courte vue et déstabilisante, menée par le gouvernement étant établi, nous pouvons légitimement nous interroger sur le sens à donner à l’avenir des relations franco-russes.
Compte tenu de l’interdépendance entre l’Europe et la Russie, dû à l’ancrage géopolitique de cette dernière sur le continent européen, de son accès par la Crimée vers le Moyen Orient, de son agilité diplomatique dans les dossiers Syrien et Iranien, il est urgent et de notre intérêt de reconstruire avec elle un dialogue apaisé.
Au regard de l’Histoire, il ferait sens. Il y va de la survie de la France comme grande nation.
Marie-Louise FORT