Tribune sur le code du travail, cosignée par Marie-Louise Fort

Réforme du Code du travail… et si on faisait simple ?
Le gouvernement, dans l’incapacité de résoudre ce problème, se défausse sur des syndicats qui ne représentent bien souvent qu’eux-mêmes. N’est-ce pas davantage le rôle du législateur, sauf à penser que la mission des élus se limite à entériner des accords incompréhensibles négociés entre les partenaires sociaux et qu’il faut ensuite rectifier ?

Depuis des années, nous ne cessons de dénoncer l’actuel Code du travail et ses plus de 10 000 articles : un code truffé de textes parfois inutiles, quand ils ne se contredisent pas les uns les autres. Un code qui comprend des articles inassimilables, auxquels même des juristes chevronnés ne comprennent plus rien. Un code qui, finalement, n’est pas compréhensible par ceux auxquels il s’adresse en priorité : les salariés et les employeurs. Comment ne pas être d’accord avec Montesquieu, lorsqu’il affirmait que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » ? Comment ne pas être d’accord avec le juriste Georges Ripert lorsqu’il affirmait que « le législateur est perdu dans l’abondance de son œuvre » : lois inutiles, lois de bavardages, lois de circonstances, absence de lisibilité de la politique sociale, sanctions démesurées et parfois non justifiées ? Un récent sondage montre qu’une majorité de français fait aujourd’hui le même constat : le Code du travail serait trop complexe, illisible et même un frein à l’emploi.

“Comment ne pas être d’accord avec Montesquieu, lorsqu’il affirmait que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » ? ”

Si le constat est presque unanime, en revanche, les moyens pour parvenir à une simplification diffèrent !

Le gouvernement a opté pour un système en trois niveaux : un premier niveau (confié à la commission présidée par M. Robert Badinter qui vient de rendre ses conclusions) constitué des droits fondamentaux intangibles, un deuxième relatif aux sujets relevant de la conclusion d’accords de branche ou d’entreprise, enfin un troisième niveau comprenant les règles supplétives s’appliquant en cas d’absence d’accord collectif. Une date de refonte a même été avancée : 2018. Cet édifice, qui ressemble à s’y méprendre à une usine à gaz, laisse pantois ! Passons d’abord rapidement sur le cap de 2018 qui ne saurait être respecté, sachant que pour refondre l’actuel Code du travail à droit constant, il avait déjà fallu trois ans. Passons également sur la composition de cette commission Badinter qui ne comprenait aucun représentant de l’entreprise, comme si le droit du travail ne les concernait pas. Passons aussi sur cet étrange travail de simplification qui va voir le Code du travail alourdi de 61 articles constituant autant de vagues formules incantatoires souvent déconnectés des réalités des entreprises.

Mais, il y a plus grave ! Est-il sérieux et responsable, s’agissant d’un sujet aussi important, que le gouvernement dans l’incapacité de résoudre ce problème, se défausse sur des syndicats qui ne représentent bien souvent qu’eux-mêmes (moins de 8% des salariés français sont syndiqués contre 69% en Belgique ou 82% en Suède…) ? N’est-ce pas davantage le rôle du législateur, sauf à penser que la mission des élus se limite à entériner des accords incompréhensibles négociés entre les partenaires sociaux et qu’il faut ensuite rectifier ? Il n’est ni sérieux ni responsable de vouloir développer à tout va la négociation conventionnelle (qui est déjà une réalité) alors que l’on sait que, dans maintes situations, les accords négociés par les partenaires sociaux sont marqués par une grande confusion voire une inapplicabilité. Faut-il rappeler la cohorte de textes nébuleux ou inadaptés, déjà négociés par les partenaires sociaux au niveau national, qu’il s’agisse du temps partiel de 24 heures, de la formation, des accords de maintien dans l’emploi, des compléments d’heures…? Et puis, gardons en tête la particularité de notre pays où les deux tiers des entreprises sont des TPE, sans aucune représentation du personnel. Attend-on de ces dirigeants de petites entreprises qu’ils passent leur temps à négocier des accords ou à organiser des référendums ?

“Est-il sérieux et responsable, que le gouvernement se défausse sur des syndicats qui ne représentent bien souvent qu’eux-mêmes (moins de 8% des salariés français sont syndiqués contre 69% en Belgique ou 82% en Suède…) ? ”

Finalement, n’oublions pas que dans un pays où tout est source de complication, la politique est l’art du possible. Au lieu de cogiter de grands principes dont on suppute qu’ils verront difficilement le jour, nous devrions chercher tout simplement à simplifier ce qui existe. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, simplifions enfin cette fiche de paie de 28 lignes, demandons-nous s’il est pertinent de maintenir la législation sur le contrat de travail à temps partiel, dont la complexité est telle que nul ne serait capable, sans aide extérieure, de rédiger un contrat à temps partiel et durée déterminée de moins de 24 heures. Peu de dirigeants de PME sont capables d’assimiler aujourd’hui la législation sur les représentants du personnel. Alors, prenons notre courage à deux mains et faisons œuvre de simplification en créant un Code du travail accessible à l’ensemble des entreprises ! La tâche est déjà immense.

Par Bernard GERARD, député du Nord, et Maître François TAQUET, Professeur de Droit social

Députés Les Républicains cosignataires :
Jean-Pierre DECOOL, Laurent FURST, Eric STRAUMANN, Marie-Louise FORT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Michel COUVE, Arnaud VIALA, Bernard ACCOYER, Thierry LAZARO, Marianne DUBOIS, Nicolas DHUICQ, Arlette GROSSKOST, Jean-Louis COSTES, Lucien DEGAUCHY, Fernand SIRÉ, Philippe GOSSELIN, Josette PONS, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Luc REITZER, Franck GILARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER

 

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